Des origines à la fin du XIIIᵉ siècle
Aux racines du diocèse d’Évreux
L’histoire ancienne du diocèse d’Évreux s’inscrit dans un long processus de construction ecclésiale, territoriale et spirituelle. Entre traditions hagiographiques, affirmations épiscopales et fondations monastiques, le diocèse prend forme progressivement du haut Moyen Âge jusqu’à l’arrivée des ordres mendiants au XIIIᵉ siècle.
Aux origines : entre tradition et réalité historique
Si la tradition attribue à saint Taurin l’évangélisation de la cité et le titre de premier évêque au IVᵉ ou Ve siècle, les historiens restent prudents : sa Vita, rédigée au XIᵉ siècle, relève davantage du récit édifiant que du témoignage historique.
Le premier évêque attesté avec certitude est Maurusion, présent au concile d’Orléans en 511. Le diocèse apparaît alors comme une entité modeste, aux frontières encore mal définies.
Au Moyen Âge central, son territoire ne correspond pas à celui que nous connaissons aujourd’hui :
- le Bec-Hellouin dépend alors du diocèse de Rouen,
- tandis que Bernay, Grestain, Saint-Pierre et Saint-Léger de Préaux, ainsi que Saint-Evroult relèvent du diocèse de Lisieux.
Ce n’est qu’en 1790 que le diocèse prendra sa forme actuelle, à l’échelle du département de l’Eure.
Du Xe au XIIᵉ siècle : reconstruction, organisation et affirmation épiscopale
Une cathédrale plusieurs fois rebâtie
Vers 912, tout juste baptisé, Rollon, premier duc de Normandie, offre des biens à l’église Sainte-Marie d’Évreux, alors que la cathédrale vient d’être dévastée par les incursions vikings.
Sous l’épiscopat de Gilbert II fils Osbern, une nouvelle cathédrale est édifiée et consacrée en 1077.
L’édifice disparaît cependant dans l’incendie provoqué lors du siège d’Évreux en 1119 par Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie et roi d’Angleterre.
Elle est rebâtie sous Rotrou de Warwick et achevée vers 1150. Les siècles suivants verront son évolution vers le style gothique rayonnant.
Le pouvoir de l’évêque : structuration d’un diocèse
À partir du XIᵉ siècle, l’autorité épiscopale s’affermit lentement dans un contexte dominé par le pouvoir ducal.
Les archidiacres, collaborateurs de l’évêque, n’apparaissent qu’à la fin du XIᵉ siècle : ils sont déjà sept en 1130, épaulés par les doyens ruraux, relais du pouvoir ecclésiastique.
Sous l’épiscopat d’Audin (1113–1139), le chapitre cathédral se structure progressivement. En 1220, ses chanoines possèdent 47 églises paroissiales, signe de leur influence et de la place croissante du clergé dans la gestion pastorale du territoire.
Entre 1180 et 1220, les évêques d’Évreux acquièrent le patronage de huit églises supplémentaires, affirmant leur rôle spirituel et administratif.
Un diocèse traversé par les crises et les puissances temporelles
L’évêque Raoul Grosparmi, consacré en 1259 dans l’abbatiale Saint-Taurin par l’archevêque Eudes Rigaud, illustre les liens étroits entre Église et pouvoir royal. Proche du roi Louis IX, il exerce des missions diplomatiques avant d’être créé cardinal.
Durant la guerre de Cent Ans, le diocèse subit de lourdes tensions. L’évêque Guillaume V de Cantiers est assassiné en 1418, et plusieurs de ses successeurs reconnaissent la souveraineté anglaise entre 1420 et 1443.
Les établissements religieux : un territoire façonné par les monastères
La présence religieuse dans le diocèse prend forme très tôt.
Les premières fondations
- L’abbaye de la Croix-Saint-Ouen, fondée au VIIᵉ siècle, restaurée vers 1020-1030 par Saint-Ouen de Rouen.
- Un monastère du VIIᵉ siècle dirigé par l’abbé Caro, dont le lieu reste inconnu.
- L’abbaye bénédictine Saint-Taurin (962–996), probablement fondée par Richard Ier et rattachée à Fécamp en 1034, dotée de vastes possessions.
Les grandes abbayes du XIᵉ siècle
Trois abbayes masculines voient le jour sous l’impulsion des familles normandes :
- Saint-Pierre de Castillon à Conches (1035),
- Notre-Dame de Lyre (1046),
- Notre-Dame d’Ivry (1071).
Le comte d’Évreux fonde également l’abbaye féminine Saint-Sauveur d’Évreux (1055–1060).
Deux collégiales de chanoines séculiers apparaissent :
- Vernon (1072),
- Beaumont-le-Roger (1088–1089).
L’expansion du XIIᵉ siècle
Le diocèse accueille alors :
- quatre abbayes cisterciennes : L’Estrée, La Noé, Le Breuil-Benoît, Bonport (fondée vers 1190 par Richard Cœur de Lion) ;
- l’ordre de Fontevraud (Acquigny et Chaise-Dieu du Theil) ;
- la commanderie templière de Renneville (vers 1140).
Une région convoitée : Philippe Auguste contre les Plantagenêts
Le diocèse joue un rôle clé dans la chute de la Normandie angevine. En 1194, Philippe Auguste incendie l’abbaye Saint-Taurin, reconstruite l’année suivante par Richard Cœur de Lion.
Le roi de France attire ensuite à lui le clergé régulier en promettant la liberté des élections abbatiales, devenue effective après la conquête de 1204.
L’arrivée des ordres mendiants : une nouvelle page spirituelle
Le XIIIᵉ siècle voit l’implantation progressive des ordres mendiants, marque de l’évolution de la vie religieuse :
- 1259 : fondation du premier couvent des Cordeliers à Vernon ;
- 1260 : création d’un second couvent des Cordeliers à Évreux ;
- 1269 : installation des Jacobins à Évreux.
Ces communautés marquent l’ouverture du diocèse à des formes nouvelles de prédication et de vie évangélique au sein des villes.
Une Église en construction
Entre traditions hagiographiques, reconstructions successives, création d’abbayes et réorganisation du pouvoir épiscopal, le diocèse d’Évreux se structure du haut Moyen Âge au XIIIᵉ siècle.
C’est au fil de ces siècles, marqués par des influences ducale, royale et monastique, que se dessinent les fondations de l’Église locale telle que nous la connaissons aujourd’hui.