Du XIVᵉ siècle à la Révolution
XIVᵉ siècle : entre essor urbain, pouvoir comtal et tensions royales
Au XIVᵉ siècle, Évreux connaît une période de forte activité religieuse, politique et économique. Tandis que les évêques, notamment Mathieu des Essarts, Geoffroy II du Plessis ou Jean III du Pré, multiplient fondations, chantiers et réformes, la cathédrale Notre-Dame poursuit son embellissement avec de nouvelles chapelles, vitraux et agrandissements du chœur. La ville est aussi un centre administratif majeur : vicomtes, baillis et grands officiers y exercent un rôle clé au nom du roi de France, tandis que les comtes d’Évreux, alliés à la maison de Navarre, occupent une place politique stratégique.
L’économie, soutenue par les marchés, les moulins, les vignes et les ateliers, se développe en même temps que s’organise la vie sociale autour des confréries, des travaux urbains et de la gestion des chemins, remparts et quartiers. Pourtant, le siècle est aussi marqué par des crises : pestes, incendies, conflits entre France et Navarre, rivalités féodales et instabilité politique. Entre essor et tensions, le XIVᵉ siècle façonne durablement le visage d’Évreux à la veille de la guerre de Cent Ans.
XVe siècle : guerre, reconquête et renaissance urbaine
Le XVe siècle est pour Évreux une période de profonds bouleversements, marquée par la guerre de Cent Ans, l’occupation anglaise, puis une lente reconstruction. Après 1400, la ville se développe malgré les tensions : création d’un beffroi doté d’une horloge, essor de la draperie, aménagements des portes, ponts et faubourgs, tandis que les institutions religieuses, cathédrale, abbaye de Saint-Taurin, chapitre, jouent toujours un rôle central dans la vie de la cité.
En 1418, Évreux tombe aux mains des Anglais. L’évêque Guillaume V de Cantiers est assassiné et la ville subit pillages, destructions et lourdes contraintes administratives. Sous domination anglaise, divers baillis, capitaines et évêques d’obédience anglaise administrent la place forte. Les travaux de défense, l’entretien des moulins, des halles et des remparts rythment le quotidien d’une ville en état permanent de vigilance.
En 1441, un événement décisif marque l’histoire locale : la Surprise d’Évreux. Le capitaine picard Robert de Flocques, aidé de ses hommes et de deux pêcheurs ébroïciens, escalade les remparts et libère la ville. Évreux retourne alors au royaume de France. Le roi Charles VII récompense largement les libérateurs et accorde à la ville plusieurs exemptions fiscales et mesures de reconstruction.
La seconde moitié du siècle est celle du renouveau. La cathédrale Notre-Dame et les bâtiments religieux sont réparés ou embellis ; la tour lanterne s’élève ; les murailles et portes sont consolidées ; la ville retrouve ses corporations, ses marchés et ses hostelleries animées. Sous l’impulsion d’évêques influents comme Raoul du Fou, Évreux modernise le palais épiscopal et réorganise son administration. La construction du nouveau beffroi de pierres (achevé en 1497) symbolise ce retour au dynamisme urbain.
À la fin du XVe siècle, Évreux est redevenue une place stable et active : artisanat, commerce, justice royale, essor des institutions religieuses et reconstructions majeures préparent la ville à entrer pleinement dans la Renaissance.
XVIᵉ siècle : Évreux une ville en pleine effervescence
Au XVIᵉ siècle, la ville d’Évreux connaît une profonde mutation, à la croisée du pouvoir royal, de la vie religieuse et d’une remarquable effervescence culturelle. Les séjours de François Ier, d’Henri II puis d’Henri IV, la création du siège présidial et l’action des grands officiers comme Claude d’Annebault, Pierre de Melun ou Pierre Roussel affirment l’autorité du roi au cœur de la cité. Dans le même temps, la cathédrale Notre-Dame et l’abbaye de Saint-Taurin sont transformées par de vastes chantiers, portés notamment par les évêques Ambroise et Gabriel Le Veneur de Tillières, puis par Claude de Sainctes et Jacques Davy du Perron, au cœur des guerres de Religion et de la Réforme catholique.
Ville de foi mais aussi de savoir, Évreux voit naître des poètes, juristes et théologiens de renom ainsi que le compositeur Guillaume Costeley, fondateur du Puy de musique, qui attire les plus grands musiciens de son temps. Autour des collèges, marchés, moulins, hostelleries et confréries, la vie quotidienne reste animée, parfois éprouvée par la peste, les crises de subsistance ou les inondations, faisant de l’Évreux du XVIᵉ siècle une ville à la fois fragile et résolument dynamique.
XVIIᵉ siècle : reconstructions, spiritualité et bouleversements
Au XVIIᵉ siècle, Évreux connaît une période de profondes transformations. La ville se reconstruit après les guerres de Religion, tandis que la cathédrale Notre-Dame et l’abbaye de Saint-Taurin font l’objet de grands chantiers grâce à l’action d’évêques influents comme Jacques Davy du Perron, Guillaume de Péricard ou Henri Cauchon de Maupas du Tour. La vie religieuse est intense : fondation du séminaire des Eudistes, installation des Ursulines et essor des Capucins. Sur le plan politique, la ville accueille Henri IV, voit se succéder baillis, gouverneurs et grandes familles, et demeure un centre administratif incontournable. L’économie repose toujours sur l’artisanat, le commerce et les activités liées au présidial, mais la ville traverse aussi des crises : pestes, inondations, impositions lourdes, conflits judiciaires et épisodes de tension liés à la Fronde. Entre renouveau spirituel, centralisation royale et vie urbaine animée, le XVIIᵉ siècle façonne durablement le visage d’Évreux.
De 1700 à la Révolution : modernisation, vie religieuse et tensions croissantes
De 1700 à la Révolution, Évreux connaît une profonde évolution, marquée à la fois par le dynamisme religieux, les transformations urbaines et les tensions d’un royaume en mutation. La vie spirituelle demeure très active : le grand séminaire se consolide, les communautés comme les Ursulines, les Eudistes ou les sœurs de la Providence développent l’enseignement et la charité, tandis que les abbayes, notamment Saint-Taurin et Saint-Sauveur, jouent un rôle important dans la vie sociale et culturelle.
Sur le plan urbain, Évreux se modernise : travaux sur les ponts, les routes, les remparts, installation de nouvelles horloges, rénovation de bâtiments civils et religieux, aménagement des places et encadrement plus strict des marchés et métiers. L’économie locale repose sur les métiers d’art, l’imprimerie, le textile, les moulins, la tannerie, ainsi que sur un commerce actif nourri par les campagnes environnantes.
Mais cette période est aussi marquée par les difficultés : pestes, hivers rigoureux, disettes, montée des prix, conflits judiciaires et charges fiscales lourdes. Les débats religieux (jansénisme, missions, réformes) et les décisions royales renforcent parfois les tensions entre autorités ecclésiastiques et civiles. À la veille de 1789, Évreux est une ville à la fois dynamique et fragilisée, prête à entrer dans les bouleversements de la Révolution qui redessineront profondément la vie religieuse, politique et territoriale du diocèse.