Le don paisible
En Église, aussi bien que dans notre vie privée, la notion de transmission évoque avec bonheur la chaîne continue des générations, le passage de témoin de la Foi et de l’amour solidaire, familial ou plus généralement social. On transmet à son sang, mais aussi à ses amis ou ses confrères.
Le Père JJ. Launay, prêtre du diocèse de Paris, nous livre une réflexion qu’il a intitulée « LE DON PAISIBLE »
Sans vouloir plagier le titre d’un célèbre roman russe du 20ème siècle, relatif à la vie au bord d’un fleuve slave aux proportions « océaniques », je reprends volontiers cette expression qui, dans le tout autre contexte des affaires économiques diocésaines, nous permet de traduire ce que nous désirons atteindre dans nos pratiques caritatives testamentaires. Je pense, ici, plus au « don » que représente un testament enregistré en général chez un notaire selon les formes requises et indispensables, qu’à ces donations occasionnelles faites du vivant même du donateur.
Pour nous, chrétiens, le don a quelque chose de « souverain », comme apparenté à une grâce descendante, munificence du libre arbitre. La transmission correspond mieux au fait que nous concevons notre existence et nos biens propres comme des dons de Dieu, reçus, acceptés, accrus si possible. En Église, aussi bien que dans notre vie privée, la notion de transmission évoque avec bonheur la chaîne continue des générations, le passage de témoin de la Foi et de l’amour solidaire, familial ou plus généralement social. On transmet à son sang, mais aussi à ses amis ou ses confrères.
Transmettre est donc un acte vertueux et, suivant l’Évangile, une mission. Par la trans_mission, la vie continue. On repousse, en quelque sorte, les portes de la mort. Vers la fin inéluctable de toute vie terrestre, nul ne peut s’empêcher de se demander quel sera le devenir de ce qu’il laisse. Est-ce un bien matériel, est-ce un bien spirituel ? Y a-t-il un message, un désir de mémoire, un investissement affectif ? Certains voudraient ne pas « gâcher », être utiles, parfois même, un peu se racheter … Au-delà de l’ayant droit juridique que je dois respecter, quelle place peut être faite à la communauté de Foi dont j’ai pu vivre, dans l’espérance, passées les épreuves ?
Vivre un « don paisible » est donc faire la paix, entrer en paix avec soi-même et avec autrui. Ainsi le chrétien se remet-il « entre les mains de Dieu », ayant mis en ordre ses affaires et attendant la joie béatifique.
Dans le Premier Testament.
Pour un pieux israélite, tout don vient de Dieu, le Père des Lumières. Le Livre de Tobie, le psaume 104, chantent le Créateur à l’origine de la nourriture et de la vie. La générosité humaine ne peut pas précéder celle de Dieu. L’histoire des douze tribus est soutenue par les promesses de Yahweh qui retentissent aux oreilles d’Abraham (Gen. 15, 18) aussi bien qu’à travers tout le Deutéronome (Deut.8,7; 11,10). Le remède aux infidélités du Peuple sera la « circoncision du cœur » ou obéissance à la Loi transmise par Moïse. Mais la Loi, par ses exigences, manifeste le péché latent des hommes et la vraie conversion est enseignée peu à peu par les Prophètes comme accueil de la Sagesse d’En Haut. L’Éternel ne cesse de donner, mais au jour le jour, comme la manne cachée au Désert, et il multiplie les promesses, de roi en roi et de victoire en défaite. Le culte sert à garder vivante la mémoire de l’élection divine d’Israël tout en apprenant au Peuple à rendre grâce dans la confiance (Deut. 26, Lev. 1, 4; 2 Sam 24,21-25).
Avec le temps, l’idée d’échange réciproque s’affirme comme une perspective de sainteté (SI 35,9 …). L’aumône, le jeûne et la prière deviennent les piliers d’une conduite individuelle et collective pour laquelle le don relie l’alliance divine et la bienveillance fraternelle (ls. 5,23).
Le Nouveau Testament
L’irruption de Jésus sur la scène biblique fait l’effet d’un souffle printanier irrésistible, mais déconcertant ! Au Puits de Jacob, selon saint Jean, Jésus déclare à la Samaritaine: « Si tu savais le don de Dieu … » (Jn 4,10). Paul ne cessera de prêcher l’amour « fou » de Dieu (Rom.5,7). Sans mérite de notre part, le Christ s’incarne, il nous enseigne, il pose des signes éclatants du salut, en écho avec les Prophètes, il subit les outrages puis la mort de la Croix. Les évangiles synoptiques et saint Jean s’accordent pour nous montrer à quel point le don de Dieu est puissant et inconditionnel. Ce don est sans retour, accompli par l’Esprit Saint dans l’Église d’après la Résurrection et de la Pentecôte. Ce don agit dans la prédication de l’Église et dans les sacrements, ainsi que dans la charité active dont les baptisés sont rendus capables. Les Actes des Apôtres nous décrivent les événements dont Paul en ses épîtres nous dégage la théologie (1 Co 12, Ep 4,7, Rom 5,15). Le Christ est le don parfait (He 7,27) qui s’offre et que nous nous offrons en Corps mystique et missionnaire. Le Jugement final s’effectuera sur la considération de notre participation au don parfait de Jésus, Lui au Père, pour nous, et nous à Jésus vis-à-vis les uns des autres (Mat 25,15-30, Jn 15)
En guise de conclusion, laissons retentir ce bel aphorisme évangélique: « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35).
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